Jeux

Prey

FPS | Edité par Take 2 Interactive | Développé par Human Head Studios

8/10
360 : 13 juillet 2006
26.07.2006 à 12h10 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Prey sur Xbox 360

Tommy l'indien, un mécano mégalo bien carré, part à la recherche d'une partie de sa famille enlevée par des extra-terrestres belliqueux dans un gigantesque vaisseau spatial nommé "la Sphère." Histoire d'arrondir les angles à sa façon, le peau rouge de colère va faire couler des litres de sang dans un bordel sans nom où se mêle métal, chair, gravité inversée, mysticisme, technologie et monstruosités sans noms. Un mélange étrange qui tient plus du cauchemar que du rêve, avec comme seule touche d'onirisme véritable un faucon magique pour aider le héros à avancer dans ce parcours faussement initiatique qui remue les sens et met le feu aux coeurs... comme aux poudres.

PREY-historique

Avant d’entrer dans le vif du sujet, signalons juste que PREY fait partie des ces grosses arlésiennes du monde du jeu vidéo aux côtés des légendes presque urbaines auxquelles appartient, entre autres, le fantomatique Duke Nukem Forever des mêmes développeurs. Une bonne décennie, c’est ce qu’il aura fallu aux gars de 3DRealms pour accoucher de ce titre au nom fort énigmatique. PREY, "la proie" en français, narre l’histoire d’un jeune peau rouge qui ne pense qu’à quitter sa réserve natale avec sa belle, contre l’avis de son grand-père qui lui assène à longueur de temps que sa place est à ses côtés, et qu’il est l’héritier d’un grand pouvoir venant de ses ancêtres. Peu enclin à croire en ces superstitions, le jeune mécano part se rafraîchir les idées dans des sanitaires qui ne le sont que de nom. Il a beau être grand et fort notre héros, il ne sait pas comment s’y prendre pour demander à son amour secret, la jolie serveuse dénommée Jen, de partir avec lui de ce trou à rats. C’est à ce moment-là que le joueur est lâché dans l’aventure. En face d’un miroir façon Silent Hill 2, dans un petit café-bar regorgeant de secrets (bornes d’arcade jouables pour débloquer des succès, musique de fond à changer, etc.) et d’actions souvent inutiles réalisables (tirer la chasse d’eau, actionner un séchoir, changer la chaîne de télévision…). Le tout perdu au milieu de nul part. Les loups hurlent, du vieux rock US sort du juke-box et les poireaux du bar totalement saouls commencent à chercher des noises à la tendre et chère du mécano. Ni une ni deux, c’est au joueur d’apprendre rapidement à manier la clé à molette devenue arme de fortune pour mettre au tapis les deux guignols imbibés. Une gâchette pour le tir primaire, une autre pour le secondaire, un bouton pour sauter et les sticks pour se mouvoir "à la Halo." En bref, rien de fort dépaysant, on reste dans l’efficace et ça marche : en moins de deux, les alcoolos cuvent dans leur propre sang. Après ce sinistre massacre, pas le temps d’avoir des états d’âmes, un flash spécial retenti à la télévision. Il y aurait des choses étranges un peu partout au-dessus du Texas. Puis plus rien, programme interrompu. Dehors, une lumière verdâtre déchire le ciel. Il ne s’agit pas de l’orage qui s’abat. Là, une voiture est comme aspirée vers les cieux… pour terminer sa course dans le café sous les yeux ébahis des trois compères. Toujours manette en main, c’est le joueur qui vit cette superbe introduction en étant totalement impuissant. Le toit se désintègre petit à petit sous ses yeux, laissant entrevoir ce qui semble être la base d’un vaisseau spatial. Puis tout vole dans tous les sens, les lumières clignotent et explosent, les ustensiles se désintègrent. Pire, le grand-père se fait enlever par l’engin, ouvrant le pas à la jeune femme qui, malgré ses efforts et ses hurlements, se fait aspirer comme une vulgaire poussière. C’est ensuite au tour de Tommy de les rejoindre, dans ce qui va être l’aventure la plus épouvantable de toute sa vie.

PREY-visible ?

Un cherokee dans l’espace, voulant en découdre sans fil et sans harnais, c’est loin d’être téléphoné. Autant être clair, dès les premiers instants pad en main dans ce vaisseau très spécial, le monde lugubre et archi-violent de PREY se parcourt armes au poing et coeur battant… la chamade. Les émotions se suivent et ne se ressemblent pas. D’abord l’effroi, lorsque dans la peau de ce pauvre mécano, on visite de force, harnaché comme un cobaye, les entrailles ahurissantes du vaisseau mère où tout bouge de tous les côtés, où les cris de terreur de pauvres civils terriens se mêlent au brouhaha métallique. Telle une attraction de la mort, notre lit de prison suit les rails et nous propulse dans des endroits plus gigantesques et affolants les uns que les autres. Totalement déboussolé, encore sous le choc de l’événement, on se met à regarder partout autour de soi. Ici une monstruosité qui essaye de réparer une machine, là un innocent qui se fait entraîner vers on ne sait où. Dans le lit d’à côté, Jen, qui récite inlassablement sa prière. Devant, une descente vertigineuse. Puis une explosion, et l’on se retrouve expulsé sur le sol, libre, alors que notre chérie et notre grand-père continuent prisonniers leur ascension mortelle. Ensuite la peur, car seul, perdu au milieu des flammes et des hurlements, clé à mollette et briquet en main, les chances de survie sont particulièrement minces. Il faut avancer, tenter de libérer qui on peut et sortir de cet enfer. La réalisation a une telle classe que l’on y croit vraiment à cette histoire de dingue. Les intérieurs impressionnent par leurs structures recherchées, nappées par des textures impeccablement dans le ton. Les effets de lumière sont de loin ce qui se fait de mieux dans le genre, donnant un cachet incomparable et franchement sublime aux différentes salles du vaisseau. Les extérieurs quant à eux, très rares, laissent un souvenir plus mitigé avec des textures mal compressées, semblables par moment au pire des cas à ce que l’on rencontrait sur Playstation 2. Étrange contraste, mais l’action se déroulant à 95 % en intérieur, on oublie rapidement cette petite tare, surtout que l’ambiance délicieusement gore est transcendée par cette maestria technique générale.

Puis le désappointement quand l’on découvre les premiers chemins tortueux à activer qui mènent sur les murs et plafonds. Avec la caméra qui bouge en conséquence (option qui peut être désactivée pour ceux qui supportent mal), on perd rapidement ses repères et le sens de l’orientation est mis à rude épreuve. On a déjà connu ça dans des softs tels que Alien versus Predator ou autres Forsaken, mais PREY pousse le trip encore plus loin dans la folie grâce aux nombreux portails de téléportation présent. En plus d’étonner par l’effet si spécial qu’ils provoquent (une salle gigantesque cachée dans une caisse pas plus haute qu’une table basse, c’est forcément surprenant), il n’est pas rare que ces derniers cherchent à rendre le joueur fou en le baladant dans des situations à peine imaginables (jeux de miroir où l’on voit son propre personnage, labyrinthes, jeux sur la taille et illusions d’optique, entre autres). Pourtant, dans ce monde où rien n’est familier, le joueur déboussolé dans la peau de Tommy peut compter sur l’aide de son illustre grand-père pour mener à bien sa mission. Le vieux sage apprend, de ce fait, à son protégé le pouvoir de quitter son enveloppe corporelle pour déambuler tel un esprit dans les couloirs de la station. Esprit invisible aux yeux des ennemis, insensible aux flammes, pouvant actionner divers mécanismes mais bizarrement incapable de voler comme un oiseau ou de passer à travers les portes. Dans cet état second, le jeune indien peut tirer avec son arc magique (ce qui lui coûte des points de spiritualité récupérables en tuant ses adversaires) et passer à travers les champs de force en marche. Le faucon magique pour finir, attaque comme il le peut les aliens et traduit instantanément (en français s’il vous plaît) les textes sur les écrans et interrupteurs. Sympa l’animal. Enfin, le désir d’en découdre une bonne fois pour toute avec le responsable de ce chaos. Avec le temps, on prend ses repères : courir au plafond devient (presque) naturel, les puzzles s’enchaînent, les ennemis de plus en plus costauds sortent de leurs tanières. Rien ne peut toutefois entraver notre progression. Avec les armes toujours plus puissantes que l’on trouve en chemin, ayant chacune une fonction primaire et secondaire pour varier les plaisirs, on gagne en assurance. D’autant plus qu’à chaque fois que Tommy se retrouve à court de points de vie, l’esprit de ce dernier est envoyé dans une zone spirituelle lui permettant de faire le plein de santé et de magie avant de retourner au même endroit de sa présumée mort. Le jeu se révèle donc relativement facile, malgré le nombre important de passages bourrins supposés délicats.

PREY ton vent

Mais le mécano sans vice s’enlise dans un labyrinthe éreintant. PREY compte énormément de bonnes idées, malheureusement trop peu exploitées sur la durée. Malgré l’énorme potentiel qui se dégage du titre, on en vient à faire souvent les mêmes actions simplistes pour résoudre telle ou telle énigme. Ces dernières se révèlent, d’ailleurs, tristement peu variées et d’un classicisme rare à la vue de la folie de l’univers du soft : ouvrir une porte à l’aide d’une bombe, d’un code, ou en actionnant un mécanisme accessible que sous la forme spirituelle, on se croirait revenu aux plus mauvaises heures du First Person Shooter. Bien sûr, il y en a d’autres qui se résolvent avec un peu plus d’observation et de temps, surtout celles jouant sur la gravité, mais elles sont bien trop faciles et finalement trop rares pour que l’on s’en contente pleinement. On aurait en tout cas vraiment aimé qu’avec tout ce temps de développement les créateurs resserrent les boulons pour offrir un produit un petit peu mieux huilé et surtout beaucoup plus long. Vraiment dommage car lorsque l’on voit certains passages terriblement excitants, on est déçu de ne pas en avoir plus, tout simplement. Et ce n’est pas le mode multijoueurs sur le Xbox Live qui va rallonger quoique ce soit, si ce n’est la liste des regrets. Avec seulement ses deux modes de jeu que sont le Deathmatch et le Team Deathmatch, le multi de PREY, limité à huit joueurs pour huit maps, se met souvent à accuser de grosses saccades à plus de quatre connectés. Bref, contrairement à la partie solo, ce mode à plusieurs sent le bâclé. Sentiment largement partagé par ceux que l’on rencontre sur la toile. Signalons également que la version française du soft énerve avec ses blancs sous-titres minuscules proches de l’illisible en campagne et ses phrases non traduites qui polluent l’avancée. Mais il serait tellement dommage de se quitter avec cette note négative…

Car PREY, en solo, est surtout fait de ces scènes cultes qui restent gravées un bon moment dans les mémoires. Dans ce joyeux bordel où tout s’emmêle, le joueur ne devra pas faire face qu’aux monstres bien physiques. Les fantômes sont aussi de la partie et ne manqueront pas de choquer les plus impressionnables, puisque matérialisés sous la forme d’enfants cadavériques. Osé. Et l’horreur ne s’arrête pas là, le peau rouge assistant régulièrement à des scènes particulièrement traumatisantes : entre une petite-fille possédée qui empale un autre gosse dans un rire assourdissant, et divers innocents qui se font exploser par des engins de torture tout droit sortis de l’enfer de Dante, PREY se subit, parfois, et ne manque pas de faire mouche, appuyé par une ambiance sonore au top (avec des compositions signées monsieur Oblivion et Guild Wars). Les immondices servant de parois vivantes aux boyaux crasseux du vaisseau cachent et crachent des horreurs infâmes, si bien que l’on sentirait presque l’odeur nauséabonde des vomissures gerbées par ces sortes d’anus muraux. Ajoutez à cela des chemins tortueux qui se continuent sur les murs et plafonds, en plus de boutons à actionner pouvant changer la gravité à volonté, et vous comprendrez aisément pourquoi le soft de chez 2K Games peut facilement provoquer des haut-le-coeur délicats ainsi qu’une bonne migraine chez les plus sensibles. Mais c’est comme cela qu’on les aime les jeux, lorsqu’ils disposent d’une réelle identité et d’une réalisation de grande classe. Avec son scénario captivant, surtout à la fin de l’aventure, PREY est également une grande réussite question mise en scène. De l’introduction à l’après générique de fin (que nous vous conseillons de regarder jusqu’au bout), le rythme est bien là, la tension aussi. Qui sommes-nous réellement pour ces visiteurs barbares ? Qui en est à leur tête ? Quel est le véritable rôle de la Sphère ? Tant de questions qui trouveront des réponses surprenantes, pour un Doom-like que l’on pensait bête et méchant.

Human Head, avec PREY, peut définitivement rouler des mécaniques. Engendrant un cocktail d'émotions bien frappé, dans un univers qui l'est tout autant, ce soft gorgé de (prey)tension à défaut de soleil ne déçoit que par sa durée de vie trop minime et son potentiel énorme pas vraiment exploité comme on l'aurait voulu. Dans cette hystérie générale délicieusement gore où les forces se déchaînent, les niveaux s'enchaînent avec une déconcertante facilité. Sorte de parc d'attraction de la mort, la Sphère est une incroyable boule aux mille facettes, terrain de jeu hallucinant pour les joueurs que nous sommes. Violent, beau, original, PREY offre une aventure solo palpitante qui laissera à toutes les personnes l'ayant bouclé un très bon souvenir, pour une expérience comme nulle autre située dans un ailleurs déboussolant à l'épicentre même de la folie et de l'horreur. Un jeu à déconseiller aux estomacs, coeurs et âmes sensibles.

+

  • Folie générale...
  • L'ambiance bien gore
  • Techniquement au point
  • Plein d'excellentes idées
  • Bonne mise en scène

-

    • ... pouvant provoquer un gros mal de crâne
    • Idées peu approfondies
    • Trop court
    • Le mode Xbox Live anecdotique
    • Traduction française déplorable