Dossier

16.07.2007 à 11h35 par |Source : Rédaction

E3 : Xbox-Mag fait le bilan

Voilà l’E3 2007 bouclé, et Santa Monica retrouve son rythme californien, peu bousculé. Pas de mauvaises surprises, nous étions prévenus du caractère mesuré de la nouvelle forme de l’E3. Malgré cela, nous nous attendions à plus, avec en tête les images des précédents E3 forts en annonces et riches en spectacles. Fidèles aux nouvelles consignes, Microsoft, Sony et Nintendo ont délivré leurs présentations avec un sérieux efficace, confirmant les rumeurs et dispersant ici et là quelques dates et discours sympathiques, sans plus. Non vraiment, c’est un E3 différent qui vient de se conclure, sans véritable résonance.

Avec un pic de 60 000 visiteurs en 2005, l’E3 tombe à environ 4000 cette année. Mais c’est voulu : l’évènement entend désormais exclure les coûts importants, les shows inutiles, la bazar ingérable et se concentrer sur le business avec les véritables interlocuteurs du milieu. Or comme le relèvent certains de nos confrères présents sur place, les acheteurs, les décideurs, les acteurs du jeu vidéo étaient peu nombreux. Le public, les journalistes, les médias étaient eux aussi en nombre restreint puisque l’évènement se déroule désormais exclusivement sur invitation. Comment susciter l’intérêt d’une industrie avec si peu d’outils ? Comment diffuser l’effervescence certes bordélique mais diablement contagieuse des anciens E3 ? A qui s’adresse cet E3 ? Où sont les projets d’envergure ? Les stratégies ? Les jeux surprenants ? Le fait est que cet E3 laisse planer plus de doutes que de certitudes sur son évolution.


Deux chemins se dessinent : l’E3 conserve cette formule bâtardeet se neutralise doucement, ou bien l’E3 rassure par une recette améliorée et sert de véritable plateforme de business, son but affirmé l’an dernier. Pour ceux d’entre nous qui ont suivi les conférences live sur Internet, et au-delà de l’excitation de revoir Microsoft, Sony et Nintendo croiser le fer, il fautavouer que les présentations étaient fadasses. Les 3 grands n’ont fait que confirmer des rumeurs discutées des centaines de fois sur les forums (les sorties de jeux, les nouveaux services ou périphériques, le maquillage de Jade Raymond, la PSP light, la baisse de prix, etc.) sans véritablement surprendre à coup d’exclusivité ou de nouvelles licences. Et si l’exposition se tourne vraiment vers le business comme elle le prétend, nous n’avons eu vent d’aucune signature de contrat, aucun accord d’édition particulier, d’aucune stratégie de développement du secteur. A quoi a donc servi cet E3 ?

Microsoft : juste une mise au point

Vous l’avez vu et lu, Microsoft a fait le job, sans vraiment étonner. Cela dit, le géant américain a présenté une société avec des projets affirmés délivrant ainsi un message clair à Nintendo et Sony : nous avons une place solide sur le marché. Le révélateur « Thank you Capcom, thank you » de Peter Moore après le trailer de Resident Evil 5 montre combien Microsoft s’est placé en sécurisant des franchises célèbres pour sa plateforme : GTA, Virtua Fighter, Devil May Cry, Resident Evil, Pro Evolution Soccer, Splinter Cell. Sur l’échiquier Next-Gen, Microsoft avance donc une pièce supplémentaire : celle des exclusivités acquises. En plus de proposer un système facile à programmer aux développeurs, une console Next-Gen à un prix grand public, un service en ligne efficace avec 10 millions d’abonnés prévus en 2008, des jeux acclamés par la presse et les joueurs, Microsoft confirme donc que son catalogue continuera de s’étoffer grâce à des titres pivots dont certains étaient autrefois réservés à la concurrence. Des séries issues de la Playstation comme GTA profiteront même d’un contenu supplémentaire sur Xbox 360 grâce aux 50 millions de dollars soi-disant négociés avec Rockstar pour cette opération. Une manière discutable de s’approprier du contenu mais du bonus pour les joueurs au final. Microsoft le voulait dès la sortie prématurée de sa 360 : mener la nouvelle génération des consoles et c’est clairement ce qu’ils font pour le moment. Réjouissons-nous des gros titres confirmés mais espérons que Microsoft dispose d’autres atouts dans ses manches car assurer l’avenir de sa machine à coup de millions de dollarscar geler les killer-apps de la concurrence ne durera qu’un temps : il va falloir créer, tôt ou tard.

Nintendo : le jeu vidéo c’est nous

Paradoxalement, la conférence la plus ennuyeuse s’avère être celle du constructeur Nintendo, pourtant censé représenter le ludisme à l’état pur. Que penser de la présentation de Reggie Fils-Aime qui s’est entêtéà nous enfoncer dans le crâne que Wii, DS, Nintendo étaient les 3 mots que tout joueur digne de ce nom devait connaître ? Les succès massifs des derniers systèmes Nintendo légitiment-ils autant d’arrogance ? « Nintendo est le futur » selon Fils-Aime et la firme nipponne se voit très prochainement leader de ce marché car ils ont en tête de pulvériser les barrières du jeu vidéo et d’entraîner dans le sillon de leur succès toute catégorie de joueurs et de non-joueurs. Satoru Iwata, le PDG de Nintendo, souhaite « détruire la barrière psychologique séparant les joueurs expérimentés des joueurs novices » et faire comprendre à l’univers que « le jeu vidéo est pour tout le monde ». Soit. Mais comme l’expliquent certains analystes, le succès de Nintendo tient autantà un business model implacable et capitaliste qu’à une idée populaire voire communiste du jeu vidéo. Est-ce viable ?


Nintendo a peut-être pu déployer ses Wii et DS pour des raisons qui pourraient ne pas concerner les qualités intrinsèques des systèmes, mais plutôt grâce à la nouvelle conjoncture encore naissante issue du duel Microsoft/Sony, le marché Next-Gen reste finalement un terme encore flouqui dépend de paramètres aussi variés que le futur format HD, l’avenir de Sony, la position de Microsoft. Cela dit, le comble inexplicable de cette situation, c’est que Nintendo s’accapare les parts de marché mais reste un acteur en retraitdans la course technologique. Parce que ce n’est pas en conduisant un kart pixellisé avec une wiimote que le gamer habitué à Gears of War ou Killzone 2 va se décrocher la mâchoire. Et le décrochage de mâchoire pour un joueur, c’est le nerf de la guerre. En papotant sérieusement de la chose avec une équipe d’une agence de communication, nous avons remarqué un phénomène intéressant : le turnover Nintendo. On achète beaucoup de systèmes Nintendo mais y joue-t-on vraiment ? Oui puisque les jeux se vendent énormément. Mais y joue-t-on longtemps ? Pas sûr puisque ces ventes massives peuvent traduire un comportement fidèle ou une attitude automatique, voire volatile. Après la junk food, Nintendo aurait-il inventé le concept du junk game, soit une consommation excessive de jeux au plaisir furtif sans qualité ou bénéfice particulier ? Nous touchons là à des problématiques de marque évidentes puisque dans sa démarche ouverte de vouloir rassembler (forcer ?) tous les joueurs autour de son idée du jeu vidéo, Nintendo s’affranchit aussi de certains joueurs évangélistes (cf. qui peuvent aider ou non à l’adoption d’une marque), dont votre humble rédacteur.

Sony : en cours de cicatrisation

Le cas de Sony est cruellement excitant car leur situation n’est pas aisée et nous avons hâte de connaître l’évolution de leur position. Leur conférence était la plus fraîche, rassurante sur les possibilités futures même si les jeux multi-plateformes laissent toujours planer un voile sur le véritable catalogue PS3. Mais GT5 : Prologue, MGS 4, Killzone 2, Echochrome, Little Big Planet remettent déjà quelques pendules à l’heure sur les prochains atouts de la PS3, bien à l’heure même. Les avancées de Home montrent des originalités absentes du Xbox Live, donc de vrais éléments différentiateurs intéressants. Reste à mettre en place et crédibiliser un tel service, une tâche ardue mais jouable pour Sony qui affirme la faisabilité du projet et sa prochaine mise à disposition. On sent cependant l’ancien tout-puissant affaibli par la perte de licences exclusives. La venue sur scène de Hideo Kojima pour présenter un prometteur Metal Gear Solid 4 : Guns of Patriots était presque symbolique dans la mesure où cette exclusivité était encore mise en doute par les rumeurs quelques jours plus tôt. Si les jeux annoncés semblent dantesques pour certains et bons pour d’autres, on reste sur des hypothèses, quelques séquences de gameplay et des trailers. Sony doit encore convaincre sur le potentiel de sa machine, et pourquoi pas aider les développeurs à travailler sur leur système. Les récentes informations au sujet des versions de Madden NFL 08 et All-Pro Football 2K8 tournant 30 FPS de moins que sur Xbox 360 attestent d’un problème évident (besoin d’aide ?) de certains développeurs pourtant reconnus (EA Sports et Visual Concepts). Or, pour l’exemple, ceux qui pensent que Sony peut se moquer d’un Madden se trompent. Un bundle Xbox360/Madden08 à 60FPS contre un bundle PS3/Madden08 à 30 FPS ? L’acheteur n’est pas dupe. Questionné sur ce point, Sony n’hésite pas à nier l’évidence en indiquant que « eux » parviennent à développer des jeux beaux à 60 FPS (en citant le médiocre NBA 07 pour exemple). Que faut-il comprendre ? Que les autres développeurs sont niais ? Pas la meilleure approche selon nous, surtout quand le studio concerné produit l’une des plus grosses franchises existantes et au top des ventes chaque année aux USA.

Niveau annonce, peu de surprises avec une PSP timidement remaniée, dont on aurait aimé voir la coque plus fine et le système de stockage plus important. En ce qui concerne les baisses de prix et les packs, Sony a bien joué le coup puisque l’Europe accueille un Starter Pack soit, mais au même prix et la baisse à 499$ aux USA concerne l’épuisement des stocks de la version 60GB qui sera remplacée par la 80GB à 599$ avec un jeu, un beau tour de passe-passe en somme. Les jeux Haze et Unreal Tournament 3 ont été annoncés comme des titres exclusifs PS3, très sympas au demeurant, mais on sait d’ores et déjà qu’ils seront disponibles plus tard sur Xbox 360. Attention au syndrome Virtua Figther 5 : un jeu originel PS qui sort plus tard sur Xbox 360 sensiblement plus beau et doté d’une fonctionnalité capitale, le jeu en ligne.

Relativisons : un E3 qui se cherche ne signifie pas que le jeu vidéo est moribond. De grands jeux sont prévus, un peu sur le tard pour la PS3 et avant la fin de l’année pour la 360, mais il ne faut pas oublier la qualité grandissante des jeux multi-supports. Le cas Nintendo quant à lui, est à part, loin des attentes du joueur Next-Gen tout en se rapprochant de la notion générique du divertissement. Ce qui manque cette année, c’est une visibilité, une excitation et un enthousiasme de l’avenir du jeu vidéo à moyen terme, chose que l’ancien E3 diffusait généreusement.

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